Monday, September 13, 2010

Thé et spiritualité

Pour Okakura Kakuzo (auteur du livre The Book of Tea), le théisme est un taoisme déguisé. Cela explique que, bien souvent, l'acte quotidien de se faire un thé soit pensé, analysé, interprété d'une manière spirituelle, voire mystique. Comme rares sont ceux qui connaissent bien le taoisme, cela ajoute un côté un peu mystérieux qui peut avoir quelque chose d'agaçant ou de bizarre.

Levons un peu le voile sur ces mystères! Le Tao (ou Dao) signifie le chemin (de la vie). Bref, c'est tout ce qui se passe entre la naissance et notre mort. C'est l'art de vivre pensé par les philosophes chinois.

D'un point de vue historique, l'empereur Sung Huizong a beaucoup promu le taoisme et le thé: il a écrit un traité du thé en 1107 et publié des textes taoistes. Pour cet empereur, faire du thé, c'était pratiquer le Tao. Le but d'un thé réussi est de réussir chaque moment. "Les tâches difficiles doivent débuter facilement" (Lao Tseu, Dao De King 63). C'est un des principes taoistes du 'non-agir': décomposer une activité compliquée en un grand nombre de petites activités simples. Ensuite, il importe de se concentrer sur chacun de ces process.
Ramené au thé, le taoisme nous enseigne donc que chaque geste, chaque moment de la préparation a son importance. "Etre conscient de la difficulté permet de l'éviter" (Lao Tseu, Dao De King 71). "Ce qui est bien enraciné ne sera pas arraché" (Lao Tseu, Dao De King 54) si les fondations sont bonnes, si notre préparation de la préparation est bonne, alors le thé sera bon. Par exemple, si on a bien choisi un thé de qualité, si on a mis de côté une eau pure et fraiche, si on a sélectionné des ustensiles de qualité et convenant au thé en question, on aura déjà parcouru une grande partie du chemin vers un thé réussi.

Le Tao dans le thé, c'est donc s'intéresser et prendre plaisir à toutes les facettes, toutes les étapes d'un thé.

Bonté, intégrité sont des vertus du Tao. Pour bien fonctionner, un pays a besoin de vertu, tout comme le thé: un fermier vertueux qui respecte l'environnement, un marchand qui ne ment pas sur la provenance et la qualité de ses feuilles et de ses ustensiles, un potier qui fabrique autant avec son coeur qu'avec ses mains... Sans vertu, point de qualité. Mais, en même temps, la vertu demande aussi de savoir se contenter et réfréner ses désirs. Remplacer quantité par qualité. Un bon thé vaut mieux que dix thés moyens.
Comme Monsieur Jourdain (le bourgeois gentilhomme, Molière), je me rends compte que chaque fois que je prépare un gongfu cha, j'ai fait du taoisme sans m'en rendre compte. Ainsi soit-il!

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