Tuesday, March 2, 2010

Bol et critères de beauté


Ce bol cuit au feu de bois provient d'un échange avec un potier tchèque, Petr Novak. L'intérieur du bol et le haut de la paroi externe est émaillée. Mais cette émaille n'est pas industrielle et uniforme. Il y a des petites craquelures et des changements de couleurs ici et là. Est-ce que ce sont des défauts de fabrication? Et comment apprécier la beauté d'un tel objet artisanal?

L'idéal serait de lire le premier chapitre du Livre du potier de Bernard Leach, A la recherche de critères, ou bien le livre 'the unknown craftsman' de Soetsu Yanagi. Je vais essayer de résumer tout cela en article à l'aide de ce bol.

Sa forme est classique, harmonieuse. C'est une forme qui nous vient du la dynastie Sung du nord (960-1127).
Le pied est légèrement évasé. Sa base est plus large que son point de connection à la demi-sphère du bol. Cela donne à la fois grâce au pied (petit) et de la stabilité (base large). Cette forme de trapèze du pied est inspirée des robes chinoises han. On trouvait la forme de ces vêtements si belle que les potiers chinois l'on adoptée pour le pied de leurs bols.

Une certaine proportion entre la taille du bol et celle du pied doit être respectée pour que le tout soit harmonieux. Le pied renvoie aussi à la forme de la lèvre. Cette harmonie des forme est le fruit de nombreux essais et expérimentations. Une forme belle émerge de la tradition d'une culture à un moment donné et du respect de règles générales, universelles de beauté.
Bernard Leach donne quelques idées générales:
"1. Les extrémités des lignes sont plus importantes que les parties centrales,
2. Les lignes sont des forces et les endroits où elles bifurquent ou se croisent sont chargées de sens et demandent de la vigueur,
3. Les lignes verticales sont celles de la croissance, les horizontales du repos et les diagonales le changement,
5. Les lignes sont pour la beauté et les angles pour la force.
7. L'exagération est pire que la timidité.
8. La technique est un moyen vers une fin, pas une fin en soi. Si un bel objet atteint son but, alors ne soyons pas trop critiques des défauts fortuits. Les plus belles pièces de musée ont plein de 'défauts'. Mais n'allons pas non plus trop loin à créer des imperfections volontaires. "

Avec ce bol, on est dans la simplicité d'une forme traditionnelle aboutie. Petr a bien fait de ne pas chercher à tout réinventer. Il puise son inspiration dans l'histoire et la tradition. Mais il va utiliser son savoir-faire et sa technique pour rendre cette pièce particulière. Il a l'intention d'utiliser l'émaille blanc pour donner un impression de sommet de montagne enneigée. Ensuite, les effets de Yaobian (changements dans le four) feront le reste de manière naturelle, voulue, mais jamais vraiment maitrisée. C'est la magie du four au feu de bois de pouvoir créer tant d'effets différents.
Par exemple, les nuances de bleu et de violet qui apparaissent sur l'éamaille sur ces 2 photos sont vraiment magnifiques et en accord total avec l'idée de Petr. Le ciel est bleu par-dessus les montagnes!
Mais cette technique de cuisson n'est pas une fin en soi. En plus de créer ces variations de couleurs et ces nombreux intestices, elle adoucit et donne plus de profondeur au puerh cuit. Mes tests furent un véritable plaisir! Ainsi, la beauté et la technique se mettent au service du thé.

Ce n'est pas de l'art, mais de l'artisanat car c'est un objet utile et quotidien. Mais, c'est justement cela qui le rend tellement plus vivant et intéressant qu'une oeuvre qui ne serait faite que pour être admirée!

N. B. : Une amie de thé Taiwanaise a craqué pour ce bol et je lui ai cédé! Il n'est donc plus disponible. (J'ai mis les photos en ligne en haute résolution. N'hésitez pas de cliquer dessus pour mieux voir les détails).

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