Sunday, April 3, 2011

2011 Qing Ming Qian San Hsia Bi Luo Chu

Chaque 5 avril, le festival Qing Ming de nettoyage des tombes marque le début des jours longs et chauds. La croissance des plantes s'accélère. Les feuilles de thé deviennent plus grandes et leurs parfums moins fins. Aussi, on distingue pour les thés verts un avant (qian) et un après Qing Ming Jie (Jie = festival).

Or, cette année, le froid inhabituel a écourté cette période propice. Je me suis rendu chez mon fermier de San Hsia, la région Taiwanaise la plus spécialisée en thé vert. Elle répondait ainsi à la demande de certains cadres du Kuomingtang (KMT), le parti de Chang Kai Shek. Battu par Mao en 1949, le KMT avait du se replier sur Taiwan. Durant l'état de guerre, il était impossible d'importer du thé vert de Chine. Aussi, fit-on appel aux producteurs de San Hsia pour produire du Bi Luo Chun et du Longjing.


Les feuilles sont cueillies par de vieilles mains expertes. L'ambiance est concentrée. On entend juste le bruissement des feuilles arrachées. C'est une communion entre la femme et la nature!

De retour à la petite exploitation familiale, le fils s'occupe de la transformation des feuilles cueillies la vieille. L'odeur qui se dégage de la pièce est incroyable. L'intensité des fragrances naturelles approche celle du rayon parfumerie d'un grand magasin! Ivresse sans alcool!

Ce Bi Luo Chun n'a pas de certificat bio ou éthique. Cela serait bien trop fastidieux et trop cher pour les petits volumes produits: 3 à 4 kg par demi-journée en ce début de saison (quand le temps est bon). En thé, chaque lot est différent. La qualité ne se mesure pas par des labels, mais par la dégustation.

Ci-dessous, je prépare le Bi Luo Chun que j'ai sélectionné dans un Cha Xi inspiré de la dynastie Ming. C'est la première dynastie qui infuse les feuilles en vrac. En effet, en 1391, l'empereur Hongwu décide de ne plus accepter de cadeau sous forme de thé compressé. Et, comme le Oolong n'a pas encore été inventé, on boit surtout du thé vert, infusé dans des zhongs (appelés aussi gaiwan ou gaibei), accessoire inventé durant cette dynastie.

Feuilles récoltées à la main le 16 et le 26 mars. Une fois n'est pas coutume, je combine deux jours de récoltes. Cette pratique est très courante dans les petites plantations lorsqu'il s'agit de vendre des lots de 18 kg et que chaque récolte ne produit que 3-4 kg. Mais dans mon cas, j'ai décidé ce mélange car ces deux récoltes apportent des notes complémentaires:
- le 16 mars a plus de duvet et de bourgeons. Ses senteurs sont les plus intenses.
- le 26 mars a plus de douceur.

Il n'est pas toujours possible d'additionner les qualités. Parfois, ce sont les défauts qui ressortent. Mais ces deux thés d'une même plantation, d'une même saison sont si proches que le test est positif. Le mix est supérieur à chacun pris séparément.

Comparées à un Oolong, les feuilles sont cueillies plus jeunes, plus petites. Les couleurs sont vives.
L'infusion est très légère.

Les odeurs des feuilles sèches sont végétales. Celles de l'infusion sont fines, fraiches et intenses. Le goût est léger et moelleux. Le jeune printemps s'exprime délicatement au travers de ce thé, pur comme des gouttes de rosée au matin.

J'ai la chance de disposer d'eau de source de San Hsia, puisée à deux pas de la plantation. Celle-ci s'harmonise bien avec le thé, car elle partage les mêmes caractéristiques. Sinon, je conseille une eau peu minéralisée pour les thés verts.

Pour préserver fraicheur et pureté, j'utilise une bouilloire en argent pour chauffer mon eau. Je n'hésite pas à aller jusqu'à l'ébullition. Les bons thés verts non seulement supportent, mais on besoin de chaleur pour que s'ouvrent leurs bourgeons. (J'insiste sur les 'bons' thés verts, car ceux de moindre qualité préfèrent de l'eau moins chaude.)

Le ratio de feuilles par rapport à l'eau est plus faible que pour le Oolong. Il ne s'agit pas d'obtenir un gaiwan ou un théière rempli complètement de feuilles ouvertes (comme pour le Oolong). On vise plutôt un quart à un tiers ou un peu plus de feuilles de thé vert ouvertes à la fin de sa session. Cela dépend de ses goûts et du thé. En extérieur, on sent moins bien le thé, et il vaut mieux donc en mettre un peu plus. C'est aussi pour cette raison que les théière Ming étaient plus grandes que celle de nos jours. Le thé vert était bu léger, dans de grandes coupes, comme un rafraichissement.

Les coupes chantantes qingbai rehaussent un peu la couleur du thé (comme le suggère Lu Yu). Une jarre en étain préserve la fraicheur des feuilles. La couleur verte représente évidemment le printemps, ce thé et la nature en générale. Mon bol à eaux usées est une reproduction d'un crachoir (!) en céladon de la dynastie des Jin occidentaux (265-316). Son col permet de cacher les eaux usées tandis que sa large ouverture facilite le versement. Cette forme ancienne nous transporte dans le passé. Celui-ci nous inspire et nous guide pour réussir et apprécier ce Bi Luo Chun pré Qing Ming.

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