Tuesday, December 22, 2009

Le Talmud explique la fascination pour le vieux thé

Le hasard veut que je lise actuellement 'Difficile liberté' d'Emmanuel Levinas. Dans le chapitre Textes Messianiques, Levinas se demande quelle est cette chose promise au juste parfait dans le monde futur?:

"Rabbi Yochanan a dit: 'C'est le vin conservé dans les grappes depuis les 6 jours de la création!'
Fameuse année du cru!... un vin ancien qui n'avait pas été mis en bouteilles ; qui n'avait pas été récolté. On lui a évité tout occasion de se frelater. Vin absolument inaltéré, absolument pur. Le monde futur, c'est ce vin-là."
Pour Levinas, cela signifie que "l'expulsion du paradis et la traversée du temps promettent une perfection plus grande encore que le bonheur goûté dans le jardin du paradis."

On a là les 3 grands ingrédients qui font la fascination des vieux vins et des vieux thés:

- ils nous viennent d'un temps ancien qui nous apparait aujourd'hui, dans notre monde moderne, comme un moment de pureté originelle. Les hommes qui faisaient le thé ou le vin il y a 60, 80 ou 100 ans vivaient encore dans une certaine innocence, une simplicité. Il n'y avait point d'industrie de masse ou d'agriculture intensive. Les feuilles ou grappes récoltées étaient encore traitées en petites quantités selon des méthodes ancestrales... C'est encore plus vrai avec le puerh antique, car celui-ci provenait surtout d'arbres sauvages plusieurs fois centenaires. Bref, ces vieux breuvages nous viennent d'un temps révolu, simple et heureux.

- Avec la lente action du temps, ce breuvage a évolué en mieux, voire même à la perfection, car il était déjà parfait au départ. Le temps, l'histoire ont 'fécondé' de nouveaux arômes et affinés ceux présents au départ.

- Cette résistance au temps qui devient bonification est rendue possible par la bonne conservation. Les produits vivants sont fragiles, surtout s'ils sont tellement purs. Il convient donc de les conserver à l'abri, sous une couche protectrice.

Au final, Levinas nous dit que pour les rabbins qui discutent des textes bibliques dans le Talmud, la récompense suprême d'une vie juste réussie est le vin, bien conservé et originaire du paradis. L'équivalent pour le buveur de thé est le vieux puerh sauvage du Yunnan. C'est aussi pourquoi c'est un thé qui n'est pas fait pour être bu au début de sa voie, mais à la fin. Et après, ne vous étonnez pas si les compte-rendus de dégustation de ces vieux thés se lisent comme des textes ésotériques! Ce sont des visions de l'Eden!


(La seconde photo est de Philippe Coste)

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